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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/220

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n’était plus dans le sens normal de la route. Elle se trouvait placée en travers, ses roues d’arrière accotées à la montagne. Il sentait, par la portière ouverte, l’odeur sauvage des fougères naissantes et des herbes formant un rideau derrière elle.

Devant, c’était la route large, un drap blanc étalé, puis une ligne très sombre, un talus de mousse, un garde-fou la séparant de l’abîme.

Quel abîme ? La nuit ? Les arbres de la forêt ? Et sûrement, au bas de la pente boisée, le torrent qu’on entendait mugir, donnant l’idée lancinante d’un grand vide, d’un trou profond d’où montait l’intolérable plainte.

Halluciné par son habituelle nervosité, Michel Faneau s’y abandonna, comme il s’abandonnait toujours tout entier à ses impulsions bonnes ou mauvaises. Il fouilla fébrilement dans ses poches pour y chercher sa boîte de cigarettes et son stylo. Alors, péniblement, à tâtons, il écrivit sur le papier qui enveloppait les Muratti’s, juste au-dessus de l’inscription en anglais « anglais », trois ou quatre mots…

C’était un acte insensé. Pour rien au monde il n’aurait voulu crier cela, ni demander la moindre explication à son futur beau-frère.

— Comme il se moquerait de moi, ajouta-t-il