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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/221

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mentalement, s’il pouvait se douter de ma frayeur ! C’est pour le coup qu’il ne me prierait pas de lui servir de témoin !

Il remit plus tranquillement le stylo et les Muratti’s dans ses vêtements, s’enroula de ses couvertures, très calme, à présent, parce que le marquis de Pontcroix lui criait :

— Fermez donc votre portière, nous repartons.

Il obéit en poussant un soupir de bien-être. Quand même, il avait confiance dans cette force, lui le faible. Singulier cauchemar que ce doute abominable ! Ah ! oui, se rendormir et tout à fait, cette fois, au milieu de l’exquise tiédeur des fourrures…

… Alors, l’énorme limousine glissa, démarra doucement. Il n’eut que le temps de voir passer devant lui, encadré par la glace de la portière, droit et noir, immobile comme le tronc d’un arbre, le marquis de Pontcroix qui, lui demeuré sur la route, venait de lancer sa voiture dans le ravin.

La limousine exécuta un bond formidable, fit d’abord un tour complet sur elle-même, puis, brisant les branches, déracinant les arbustes, broyant des rochers, renversant tout, elle alla s’écraser à trente mètres au delà de la rivière. Il