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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/275

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tuent, ou tombent les uns sur les autres, parce qu’ils ont faim. C’est une illusion dangereuse qu’espérer de l’homme normal un sentiment normal de sa vraie force, qui serait de jouir de la vie telle qu’elle est, et elle est bonne quand on est le maître de sa volonté !… Il faut avoir vu le massacre de près pour se rendre compte que… les meilleurs chefs sont ceux qui savent sacrifier le plus d’esclaves et qui déblaient le terrain devant eux pour arriver le plus rapidement au but. (Il rêva, un instant.) Non, Marie, la vie humaine ne vaut pas la peine qu’on se donne pour la défendre, ni, surtout, celle qu’on prend pour la perdre. Une chose compte, puisque c’est sur cela que repose la loi de la vie : la volupté. Or, la volupté n’est belle qu’à l’état pur. Marie, je vous adore. Je ne veux être pour vous ni un maître, ni un esclave. Est-ce que Henri Duhat vous a dit ce que j’attendais de vous ?

Penchée sur lui, elle écoutait, affolée, buvant ses paroles comme on boirait un poison enivrant, et dans cette atmosphère qui avait à la fois le goût de la fleur et celui du sel de l’océan, elle ne savait plus trop, en effet, si elle était encore de ce monde ou si te cauchemar, le rêve l’emportait