Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/112

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taient la victoire du jour, sonnaient matines. Sur Poitiers, des brumes grises se dispersaient en plumes de colombes. De ses forêts montaient une âpre odeur d’arbres se secouant, tout mouillés des baisers de la nuit. De ses rivières, charriant des reflets vermeils, semblaient ruisseler des torrents de roses. À l’endroit où s’unissaient la Boivre et le Clain, pareils à deux beaux bras de fées se croisant sur leur ouvrage de magie, des gerbes d’étincelles sortaient en multiples fers de lance. Et le long des chemins tordus comme des lacets d’argent autour des rochers qui enserraient la ville des vaches rousses meuglaient.

Harog, descendu des terrasses de la forteresse romaine, se sentait absolument seul dans la campagne. L’aurore éclatait sur lui seul comme une menace, empourprant le ciel de grands rayons s’étendant à l’image des doigts d’une main sanglante. Le jeune homme regarda ses mains, qui étaient rouges, car il avait terriblement peiné entre les arêtes des pierres et les épines des ronces. La bataille commençait ; la guerre pour l’amour de la dame ! Une femme doublement sacrée, fille du Christ et fille de roi. Il se sentait bien seul, mais doué d’une puissance mystérieuse. Il régnait sur un royaume de chimères formé par ses anciennes