Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/116

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humble origine, elle ne pouvait marcher sans souffler à cause de ses douleurs. Les jambes emmaillotées de linges ou de laines, elle se traînait d’ordinaire bougonnante, fatiguée, cependant pleine de zèle quand il s’agissait du service de Dieu. Elle mangeait peu, se refusant aux douceurs permises les jours fériés, ne parlait guère et, d’intelligence bornée, elle ne s’intéressait qu’au rendement des terres de son abbaye. De graves soucis la tourmentaient depuis le printemps. Elle sentait fermenter dans toute l’étendue de ses domaines une germination mauvaise ; il avait beaucoup plu le premier[1] mois de l’année ; le blé levait mal et le second mois, bien trop chaud pour la saison, exaspérait certaines religieuses qu’elle n’aimait pas. Il fallait veiller au grain pourrissant, déraciner les herbes folles, empêcher des femmes nerveuses de se monter la tête. Elle pensait que cela serait simple parce que cela faisait partie de son devoir, mais elle redoutait le moment des explications. Quand le jeûne et l’abstinence ne produisent aucun résultat, les mots creux demeurent sans effet. L’abbesse n’osait pas remettre sa lecture, ayant, à ces différents sujets, pris conseils de son évêque et puisque Marovée, sei-

  1. Mars.