Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/119

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supplice. Un gibet ne saurait être un objet de luxe et, possédant, en ce saint monastère, un morceau de la vraie Croix, était-ce la peine de se livrer à des enjolivements de matières précieuses ? Dieu merci ! cette ancienne maison païenne (que la dame Radegunde avait eu la fâcheuse idée de joindre aux constructions chrétiennes) prouvait assez, par ses profanes sculptures, le cas qu’il était convenable de faire des œuvres d’art, presque toujours les œuvres du démon ! Dans les mêmes dispositions de cœur, elle avait remplacé la vaisselle du potier par des écuelles de bois, en dépit des réclamations des nonnes délicates qui prétendaient que la nourriture y prenait un goût d’amertume.

Isia, la novice, revint se prosterner devant sa supérieure, les mains unies sous ses manches ; elle murmura :

— Ma mère, j’ai prévenu nos sœurs.

— Que faisaient-elles ? N’ont-elles pas compris mes paroles, après la bénédiction ? J’ai annoncé une lecture. Sont-elles sourdes ?… Est-ce pour nos esclaves que je vais chapitrer ?

Isia se releva, muette, ne désirant probablement pas répondre pour ses aînées.

Alors l’abbesse s’emporta, sa voix se fit rauque et un peu larmoyante.