Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/118

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— Malgré mon avertissement !… Il faut que l’ordre se rétablisse ici, gronda Leubovère en se levant avec peine de l’escabeau sur lequel elle s’était tassée. Il le faut, vous m’entendez, mes filles ? Qu’on aille me chercher Chrodielde et Basine.

Comme des plantes rigides tout à coup devenues souples au passage d’une brise irritante, les lis ondulèrent et échangèrent leur parfum à voix basse.

Les vieilles femmes, dos au mur, grommelèrent une sorte d’approbation qui ressemblait à un grincement de scie.

Leubovère ajouta, car elle mêlait volontiers les éclairs de sa volonté directoriale aux éclats de sa mauvaise humeur :

— On aura soin désormais de choisir un coffre sec, pour y ranger les parchemins. Ce manuscrit est tout taché de moisissure.

Isia s’envola dans le vent vif de ses deux larges manches « immaculées.

L’abbesse, de plus en plus anxieuse, se mit à considérer la grande croix noire qui ombrait la muraille en face d’elle. Rustiquement agencée, elle était faite de deux branches d’arbres liées d’un tortillon de paille. L’abbesse Leubovère l’avait voulue telle que son imagination de femme simple se représentait au temps du Christ l’instrument du divin