Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/129

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avons eu le courage d’y demeurer c’est que nous espérions y trouver, loin de nos ennemis, les égards dus à nos malheurs, surtout à notre rang. Puisque vous avez choisi ce jour pour nous instruire des devoirs de notre position et des pénitences qui nous menacent pour nos manquements à la règle, nous le bénissons parce qu’il va éclairer aux yeux de nos jeunes sœurs toutes les fautes que vous commettez sans vous en excuser vis-à-vis de nous. Rien ne nous empêche plus de parler. Vous nous malmenez : nous nous défendons et c’est bien vous qui aurez voulu la guerre.

L’abbesse étouffait. Debout, les poings appuyés sur le billot de chêne, elle examinait avec stupeur ces deux belles filles, les plus hauts et les plus blancs de ses lis, comme si elle les apercevait pour la première fois. Elles étaient la gloire du couvent et la promesse d’un riche avenir. Mais, victimes de la loi du plus fort, elles apportaient en elles tous les ferments de trouble, tous les éléments des lois dynastiques. Les voilà qui se révoltaient brusquement, criant vengeance contre le plus faible parce que les enfants des rois, ainsi que les enfants des loups, chassent de race. Leubovère, issue d’une famille paysanne n’était pas responsable des crimes du prince de Neustrie pas plus qu’elle n’était la