Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/128

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Alors Chrodielde s’avança, l’œil brillant d’un feu étrange, d’une sorte de lueur bleuâtre traversant la noirceur de ses prunelles pareille à ce reflet du fer qu’on vient de chauffer. Ses lèvres cramoisies s’ouvrirent sur sa denture puissante, capable de broyer tous les fruits défendus.

— Ma mère, dit-elle d’un sourd accent de colère, nous ne nous mettrons point à vos genoux pour vous répondre, car vous n’êtes point ici la digne représentante de la bienheureuse Radegunde. Notre Dame Radegunde était reine, fille de Berthaire, roi des Thuringiens. Nous avons assez de subir les humiliations de la règle instituée par elle, sans être obligées, ma cousine et moi, d’y ajouter une posture d’esclaves. À notre tour, nous vous dirons que nous ne pouvons oublier que nous sommes filles de rois, nées de reines aussi grandes que l’était de son vivant chez son époux, le roi Chlother, Radegunde, fondatrice de cette maison. Nous sommes de pur sang royal et nous ne l’oublierons jamais. Voici ma cousine appelée Hildeswinde, née d’Audovère, que l’on surnomme Basine en souvenir d’une illustre femme comblée des honneurs du monde, qui vous affirmera les mêmes choses. Nous sommes enfermées dans ce cloître pour d’autres causes que celle de la religion et si nous