Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/133

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gaieté de Basine était si étincelante qu’on prenait feu malgré soi. Et puis, à quoi bon le respect pour l’ancienne abbesse ? Chrodielde n’avait-elle pas toutes les chances de réussir à se faire nommer à sa place ? Que pouvait cette grosse marchande de blé contre la fille du défunt roi Charibert ! On est chef par le sang et Dieu n’a jamais eu besoin de sa piété personnelle pour être Dieu. Entre elles, les nonnes irrespectueuses appelaient leur abbesse : la marchande de blé, parce que Leubovère faisait argent du blé de la communauté, disant qu’on avait toujours trop de pain les mois de jeûne. Elle ne thésaurisait point pour elle. Ayant marié sa nièce avantageusement, économisant et encaissant plus par instinct de terrienne que pour en réaliser bénéfice. Durant son enfance, elle avait traversé une époque de famine et se souvenait de ses angoisses de paysanne allant aux eulogies plus pour les besoins de l’estomac que pour ceux de l’âme. Elle rêvait de grossir les réserves du couvent pour le jour prochain de la misère universelle. Elle témoignerait alors de la munificence du clergé, on la verrait ouvrir ses coffres aux humbles, aux mendiants honteux qui n’osaient pas quitter leur trou de rats… et en attendant elle se refusait, avec une furibonde énergie, de payer les impôts, imitant