Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/135

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juges entre qui vous voudrait ravaler au rang de servantes et qui vous veut mieux assises que princesses sur un trône !

Ici Chrodielde éleva la voix et par la mâle puissance de son verbe asservit jusqu’aux oreilles épouvantées de son abbesse.

— Radegunde, fille de Berthaire, roi des Thuringiens, n’avait pas la vocation du mariage. Élevée dans l’amour des lettres, elle ne pouvait se plaire au commerce intime d’un roi trop épris de son corps pour se soucier de la délicatesse de son âme. Dégoûtée de la barbarie des hommes et des peuples, elle possédait le charme des antiques prêtresses d’Apollon plus faites pour s’occuper de sciences que de guerre : elle aimait à bâtir et non à détruire. Après s’être réfugiée dans la religion du Christ pour fuir la couche de son époux, elle fit annuler son mariage et vint à Poitiers chercher une couronne encore plus merveilleuse que le bandeau royal : le triple diadème de la beauté, de la bonté et de la charité, qui est aussi la meilleure expression de l’amour pur. Notre première mère, Radegunde, a protégé un poète qui fit avec elle vœu d’amitié, Venantius Fortunatus, et cet homme prit l’habit monastique à la seule fin de demeurer le dévot de la divinité féminine qui l’avait converti. L’exis-