Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/172

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Méréra dressa les oreilles, mais ne bougea point, craignant d’éveiller son maître et elle regarda l’autre, le gardeur de porcs, d’un œil oblique, très méprisant. Elle restait couchée, plus blanche que la blancheur matinale, au fond de leur antre où elle mettait une lueur, s’étalant avec la volupté d’une bête qui se sait belle et préférée, offrant son ventre soyeux au repos de l’homme pauvre, du berger, lequel dormait dans sa fourrure comme entouré d’un manteau royal.

Harog étendu, paupières closes, paraissait calme. Ses lèvres riaient, retroussant ses moustaches brunes : il devait rêver de la grande expédition ; peut-être voyait-il Basine debout entre les bras de la croix de pierre de sa prison, prête à s’envoler jusqu’à leur caverne. Pour lui, il ne reviendrait à elle que les épaules chargées de butin. Il tiendrait son serment. Il saurait se battre… il tuerait !…

— Eréra ! gronda plus fort l’impatient Ragnacaire.

La chienne, redoutant la brusquerie du compagnon Ragna, tira sa langue rose, souple et courbe comme une flamme, lécha le front du dormeur, se penchant sur lui en tendre amoureuse.

— Nous serons là ! répondit Harog, s’éveillant de son rêve héroïque.