Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/174

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se soumettant d’avance aux plus humbles nécessités.

La grotte était vaste, toute tapissée de sable pur, tendue des peaux de loups de l’hiver, garnie de sacs de cuir pleins de pains et de viandes fumées. Ragna ouvrit un sac, posa sur une pierre plate qui leur servait de table à manger un quartier de chevreau rôti, des galettes, une petite outre de vin. C’était un jour ! On ne ménageait rien, car les hommes ont besoin de force pour entreprendre d’aussi grandes chasses. La victoire dépend quelquefois d’une âpre liqueur fermentée. Ragna contemplait l’outre en la caressant du doigt.

— Le sang de nos ennemis est là-dedans, A og !

— Nous n’avons pas d’ennemis, Ragna, murmura le berger croisant ses jambes sous lui et se taillant un large morceau du rôti. Où as-tu trouvé ce chevreau ? Il est cuit à point.

— On me l’a donné au monastère pour mes derniers gages. Il m’a fallu dire que je partais.

— Tu n’as pas dit plus ?

— Mes porcs sont en sûreté. Ils m’attendront à l’étable.

— Il nous faudrait tous les porcs ! songea le berger qui rongeait un os. Méréra s’insinua doucement et prit l’os.