Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/176

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cruellement mordu. Les dents doivent s’aiguiser d’abord. Laisse venir tous nos chiens et qu’ils aient tous de la bonne viande fraîche, les plus vieux les premiers.

Méréra, qui se trouvait la plus jeune, ayant fini le chevreau, Ragna dut éventrer un sac de viandes fumées pour les autres. Ce fut un solennel repas. Les os craquaient, avec un bruit de blé sous la meule. On sentait que ces animaux, fiers de leur importance, comprenaient leur mission. Ils aiguisaient leurs armes naturelles du meilleur de leur force, ramassant leur échine, fouettant de la queue, les oreilles en arrière, les ongles en avant.

Harog tâtait les côtes et, soufflant sur le poil rude, il examinait d’anciennes blessures, l’air attendri ; cependant ces yeux sombres gardaient leur secret : on ne savait toujours pas pourquoi on allait se battre. Quand la pierre à viande fut nette, les chiens s’assirent, formant le cercle. Ragna passait son pouce sur le fil des couteaux.

— Il faut graisser nos jambes, dit encore Harog.

Ils frottèrent leurs pieds et les lanières de cuirs tenant leurs sandales avec une grosse tranche de lard. Ragna pour aller plus vite sciait le lard de ses cordons fauves. Puis chacun, soigneusement,