Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/185

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— Mais toi-même ?… interrogea anxieusement le gardeur de porcs.

Harog se leva. Il tenait un peu de poudre dans sa main qu’il vint semer sur la blessure de son ami.

— Ceci chassera les humeurs de tes veines. Écoute ! Il ne faut pas insulter qui ne peut répondre. Guéris-toi de ton respect pour nos évêques et notre abbesse. Je t’en donne le conseil.

— Harog ? Ma raison n’entend plus ta raison.

Harog attira le grand Gaulois près de la Pierre, il le fit asseoir à ses côtés.

— Nous mangerons quand j’aurai parlé, commença-t-il de sa voix rauque, impérieuse. Tu sais bien que la Pierre était avant les évêques, avant les abbesses, avant Jésus-Christ ? Elle était de toute éternité, Ragna, car la terre est couchée sous nos pas depuis l’éternité et elle gémit de nous sentir si oublieux, nous ses enfants sortis de son sein noir ! Ragna, des paroles inconnues gonflent ma poitrine quand je touche la terre et que je vois répandre autour de moi ses os calcinés qui sont les pierres ! Ragna, si tu dois demeurer mon frère, il faut me suivre aveuglement ou guérir de ta cécité ? Le veux-tu ?

Ragna passa son bras blessé au col du jeune pasteur.