Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/188

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ne devient pas un saint, puisqu’il est maudit.

Et Harog sourit railleusement.

Une paix profonde régnait autour deux. Tous les chiens somnolaient, heureux de ce bon repos dans une magique fraîcheur. Si le soleil dardait on ne le sentait pas trop, la source qui berçait leur outre de vin à voix basse répandait partout son haleine. Les arbres jetaient sur le gazon des ombres légères comme des étoffes transparentes. La pierre, elle-même, s’azurant de place en place, à la lumière de midi, semblait briller d’une paisible joie. Un dieu caché, peut-être une déesse, souriait, doucement moqueur, avec une tendre cruauté à l’enfant du dimanche.

Ragna eut un haussement d’épaules.

— Mangeons ! conclut-il.

Ils mangèrent et firent manger leurs chiens. Puis ils burent du vin frais, l’un sur l’autre appuyés, s’assoupirent un instant et le charme errant dans la nature enchanta leurs esprits. Quand ils reprirent leur course ils se crurent des géants, se sentirent invincibles. Vers le soir, les deux jeunes hommes traversèrent une route encombrée de chariots, de gens d’armes. Ils étaient enfin arrivés au camp réservé du roi Chilpéric. Alors ils renvoyèrent leurs chiens, les menaçant du geste, car, pour ce qu’ils