Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voulaient tenter, il leur fallait le plus complet silence…

Pour le moment, le roi Chilpéric ne guerroyait point. Il vivait loin de ses soldats, à l’ombre d’un palais d’été rempli de clercs, tout occupé d’ouvrages religieux. Après avoir brûlé des villes, massacré sa propre famille, il élucidait des questions de casuistique et découvrait que la Sainte Trinité pouvait s’appeler Dieu tout simplement, sans distinction de personne, le Père, le Fils, le Saint-Esprit n’en formant plus qu’une à ses yeux de brutal capitaine, éblouis par les subtilités des lettres. — Ainsi chaque créature coupable, du petit berger au grand roi, échappe aux remords par de savantes combinaisons religieuses n’ayant, du reste, aucun rapport avec la naïveté des combinaisons guerrières. Les soldats du camp réservé gardaient donc les chevaux très sagement, comme des pasteurs n’ayant jamais eu de sang sur les mains et le soir tombait, les enveloppant de douceur, durant qu’un petit berger guettait l’occasion de leur ravir leur fortune…

Harog et Ragna, dissimulés derrière un chariot, examinaient le pâturage, une vaste prairie où mûrissait un foin embaumé. Le croissant de la lune se levait dans une échancrure de colline dominant les forets de sa faucille d’argent orgueilleusement bran-