Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/192

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bien puisque les soldats sauteraient sur leurs armes à la moindre alerte. Quand Ragna eut terminé son travail, il chercha son couteau, qu’il avait laissé tomber, et coupa les liens de ce cheval blanc, d’aspect très docile.

— C’est une femelle, dit-il en l’amenant au berger.

— Et l’homme ?…

— C’était un homme, affirma de nouveau Ragnacaire, hochant gravement la tête.

Au fond de la prairie, les soldats riaient en heurtant leurs gobelets pleins et l’on apercevait la silhouette d’un mouton rôti se profilant sur un feu de fagots.

— Maintenant il faut appeler nos chiens, dit Harog, les dents serrées.

Il siffla en mettant son index au coin de sa bouche et le son qui s’en échappa eut la stridence d’un cri de vipère. La pouliche blanche s’ébroua. Les autres chevaux frappèrent furieusement du pied. Mais que pouvaient les nobles coureurs du roi de Neustrie ? Leurs gardiens étaient morts, ensevelis’ honteusement, l’un dans un baquet, l’autre sous les herbes. Ils ne boiraient plus de cette eau, ne mangeraient plus de ce foin. De nouveaux maîtres surgissaient du sol où ils rampaient tout à l’heure,