Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/193

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montaient vers la lune, s’allongeaient en colonnes noires comme de grandes ombres vengeresses.

Une folie les saisit. Ils se mirent à tourner autour de la pouliche, oubliant le danger, ne songeant qu’à leur caprice de princes lâchés subitement en pleine sauvagerie.

Harog les attendait là ; il siffla d’une manière humaine, ne redoutant plus d’éveiller l’attention des soldats, car les chevaux se massant lui formaient un rempart.

Ragna peinait beaucoup à retenir la pouliche, laquelle ruait et se cabrait, tout éperdue de se voir tant d’amoureux.

— Voici nos chiens ! dit Harog triomphant.

Une nuée blanche s’abattit sur le pré : Méréra, et le torrent sombre des six chiens fidèles suivit en cascade. Aucun n’aboyait, ils fondirent sur leurs maîtres, ivres de joie. Harog les reçut avec le même geste de menace qui les avait chassés. Ils comprirent que l’heure devenait grave, s’aplatirent, râlant tout bas leur soumission.

— Faut-il étrangler la jument, demanda Ragnacaire ému ? Je ne puis plus la tenir.

— La chienne va te remplacer, répondit Harog dont les yeux luisaient. Saute, Méréra ! Tiens bon et va chez nous ! (Il ajouta dans un clappement de