Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/214

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— Maintenant nous sommes des hommes, déclara enfin tout haut le grand Aveugle-né. Nous jurerons par la Pierre si on nous permet d’éviter de passer dessous.

— Vieux bouc ! s’écria Boson gaiement. Tu sais t’arranger dans la digestion. Est-ce que la Pierre t’a vu lécher le pain des prêtres chrétiens ? Si elle allait te faire vomir ton quartier de porc pour te punir de l’avoir reniée ?

À ce moment de béatitude, les mendiants s’exaltèrent ;

— Nous jurons tous fidélité au berger Harog, le fils de la nuit impure. Qu’il nous conduise où il voudra.

Harog se dressa tout pâle.

— Ce n’est pas à moi qui suis un homme comme vous qu’il faut jurer fidélité, mais à la Pierre. Voulez-vous donc qu’elle vous écrase, misérables chiens !

Méréra eut un hurlement de mort, appuyant l’accent guttural de son maître.

Il se fit un grand calme. Tous réfléchissaient. Ils étaient de ceux qui savent bien que l’on ne donne pas sans compter. Jusqu’ici ils avaient offert des prières ou des coups en échange de la nourriture. Or, on leur demandait moins que des litanies ou des bastonnades en échange de ce festin nocturne :