Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/218

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Il portait, précieusement roulé dans sa poitrine, un brin de paille et un fer de lance noués d’un galon d’or qu’il montrerait de loin à la fille des rois. Elle dirait oui ou non, d’un signe que le sorcier Harog interpréterait en faveur de l’une ou l’autre alternative. mais lui, Ragna, ne faiblirait point devant l’éclair de ce regard de princesse qu’on lui avait dit flamber de tant d’orgueil. Ragna se sentait digne d’un pareil message. Vêtu comme un soldat, il montait fièrement la rampe des cloîtres faisant sonner sur les dalles la pointe d’une framée monstrueuse dont le tranchant mesurait six pouces. Les mèches rousses de ses cheveux, lui balayant la face, masquaient la nuance de ses yeux. Il s’était foncé les joues avec de l’argile de briquetier et un jus d’herbe brunissait ses bras puissants, jadis plus maigres au service de Leubovère. Qui oserait reconnaître pour un ancien gardeur de porcs cet homme d’aspect plus redoutable que les gens d’armes de Maccon, comte de Poitiers ? Avait-il seulement jamais mis le pied à l’intérieur du monastère du temps de son servage ? Dès la porte de clôture des appartements religieux, il fut étonné de ne rencontrer aucune esclave. Sur son passage, de vieilles nonnes se voilèrent d’épouvante.

Comme il allait franchir le seuil de la chapelle,