Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/219

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trouvant à toutes choses un air d’abandon, il se heurta brusquement à une nonne, plus vieille encore, tâtonnant de la béquille dans l’obscurité. Il s’arrêta saisi de respect. Oui, c’était bien là leur abbesse, la dame de Leubovère elle-même, celle qu’on appelait dans tout le Poitou la riche marchande de blé. Elle se traînait douloureusement, les jambes emmaillotées, les vêtements malpropres, le voile déchiré, des traces de cendres sur sa tête, le visage ravagé par la maladie. Autour d’elle flottait l’odeur âcre d’une salle où l’on n’entrait plus, un vague relent de l’encens passé mêlé à la senteur des moisissures. Des toiles d’araignées décoraient l’autel où l’on ne chantait plus de messes et la chasse de la Vraie Croix, naguère étincelante de cires allumées, s’accroupissait dans l’ombre d’un caveau comme un cercueil maudit.

— Qui êtes-vous ? demanda Leubovère d’une voix tremblante.

Elle tenait le battant du portail contre elle, crispant ses mains molles sur le verrou, prête à se barricader si l’homme du roi lui voulait courir sus. Ce ne pouvait être qu’un envoyé du roi Childebert, ce guerrier magnifique !

Alors Ragnacaire se remémora tout ce qu’il devait dire pendant qu’elle ajoutait :