Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/224

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l’hospitalité. Prends ce billot, là-bas, près de la châsse. J’ignore ton dessein, mais j’ai des comptes à te rendre. Basine et Chrodielde sont parties de chez moi. Aidées de jeunes filles qu’elles ont eu l’audace de relever de leurs vœux, elles ont brisé les portes de clôture une nuit et se sont enfuies au nombre de quarante dans la forêt, prenant la route de Tours pour aller plaider leur cause auprès du savant Grégorius, évêque de cette ville. Il y a de cela bientôt cinq lunes. J’ai caché tant que j’ai pu cette honteuse désertion des servantes du Christ, mais tu m’interroges au nom de ton roi qui est le père d’une des rebelles… je t’instruis. Dans la ville de Poitiers personne d’autre que notre évêque et le seigneur Maccon ne sait mon malheur. Une lettre du saint Grégorius de Tours à Marovée l’avertit que Chrodielde est partie pour la résidence du prince Guntchramm. Ce que veulent ces filles de Satan est la pire injure pour moi. « Nous sommes reines et nous ne rentrerons pas dans notre monastère que l’abbesse n’en soit premièrement chassée. »

Elles ont fait la route sans la commodité d’aucun cheval, partant par une belle nuit de lune ; elles ont eu, les jours qui suivirent, des pluies torrentielles et cependant elles sont arrivées saines et sauves chez leurs parents, comme soutenues par les