Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/226

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— Ma mère, affirma, Ragna, s’attendrissant malgré le sang dont il s’était souillé en leur honneur, j’ai compassion de ta misère et ta douleur me pèse. Si je t’ai bien comprise, il y a cinq lunes déjà que Basine et Chrodielde t’ont quittée… au temps de la Pâque.

L’abbesse eut un hochement du front.

Ragna respirait difficilement. Cette ombre de l’église commençait à lui glacer les veines. Des reflets pâles couraient autour de la châsse au fond du chœur et luisaient en gestes de fantôme sous un linceul. Il ne voulait pas se montrer brutal, mais il aimait mieux s’en aller puisque aussi bien sa mission se terminait là. Basine, oubliant la ferveur d’Harog ou méprisant sa chétive naissance, chargerait des viguiers de la besogne… Une fille de roi ne confie pas sa défense à un berger, fût-il sorcier ! Harog le comprendrait aisément.

— Il y a déjà un été, murmurait Ragna, écartant ses cheveux roux, essayant de se souvenir d’une nuit toute pareille où il y avait des fantômes rôdant, des femmes voilées… et des ombres épaisses, les ombres du sommeil ou déjà mort…

Tout à coup il fit un cri.

— Je les ai vues en rêve, je les ai vues… dans la réalité. Une nuit que la fatigue me liait les