Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pleines de présents, leur murmura-t-elle de sa voix comme encore étouffée par d’épaisses murailles.

Ragna et Harog se regardèrent, pensant qu’ils rêvaient toujours. Tout à l’heure on leur avait crié que l’on prenait en mains l’épée et la foudre. Voilà qu’ils seraient, au contraire, généreusement récompensés !

— Femme, interrogea doucement Harog, d’où sors-tu ?

— Ma bouche s’est ouverte contre nos ennemis ! psalmodia-t-elle. Le Seigneur seul donne la vie ou la mort !

Harog se souvint qu’autrefois il avait entendu de pareilles invocations prophétiques derrière un mur au bas duquel s’était assise la belle Basine.

C’était bien la recluse du monastère de Radegunde. Elle aussi avait brisé sa clôture… mais quels présents leur apportait-elle ?

Ils soutinrent la pauvre femme et la déposèrent à l’abri de la Grande Pierre, puis rallumèrent le feu. En l’examinant de plus près, ces farouches garçons s’émurent. Rien ne subsistait de ce qui avait dû, jadis, en faire une femme. Sa tête branlait au bout d’un col d’oiseau lui donnant l’aspect d’un vautour, ses dents jaunes transparaissaient au travers de la minceur parcheminée de ses lèvres.