Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/253

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qu’elles étendent sous les arbres avec des tentes de peaux. Je ne saurais vraiment me coucher à même la terre.

— Et je n’aurai, moi, que ma poitrine à t’offrir ! (Le tueur de loups se dressa.) Écoute encore, Basine, fit-il les dents serrées, je ne te violenterai pas, mais je te veux pour prix de la victoire. Si je succombe, tu seras souillée par les soldats du seigneur de Poitiers comme tu l’as été déjà par ceux de ton père. Me les préfères-tu ?… J’ai tué deux hommes pour le voler cinquante chevaux. J’ai passé mes jours à dresser de pauvres gueux souffrants pour qu’ils aient le plaisir de combattre, de tuer pour toi. J’ai fait plus : j’ai renié publiquement ma foi et mon baptême… ils m’appellent maintenant le fils de la nuit impure… Puisque ce n’est pas assez… prends ma vie ! Ces hommes t’obéiront mieux qu’à moi, un berger. Prends ma vie en échange du don de ton amour… Tu veux être abbesse et tu as peur que je te trahisse après… Eh bien, après, je puis mourir…

Elle l’écoutait, boudeuse, en enfant qui ne comprend pas.

— Que n’adresses-tu tes paroles à ma cousine Chrodielde, elle qui entend l’amour à ta façon, répliqua-t-elle, très calme.