Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/256

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Quand ils furent à un jet de flèche de la Grande Pierre, ils ouïrent de joyeuses vociférations entrecoupées d’exclamations aiguës et tout à coup une lueur d’incendie éclaira les halliers.

— Ils ont allumé les torches, fit Harog d’un ton sourd. Que se passe-t-il ?

— J’entends la voix de Chrodielde ! s’écria Basine, se mettant à bondir comme une chèvre.

La scène était curieuse. Une véritable reine se dressait au milieu d’un peuple très ivre qui gesticulait, hurlait sa soumission frénétiquement. Des femmes accroupies, en bêtes éreintées, se tassaient contre la Pierre avec de ces gloussements de poules effarées indiquant plus de terreur que de joie. C’étaient, là, Marconèfe, Helsuinthe, Famerolphe, Nanthilde, Visigarde et Isia, les suivantes des princesses ahuries par leur nouvelle existence de tribu nomade, lasses de porter les coffres, les lits de laine cardée, tout l’attirail du campement. Ragna, debout derrière la reine, faisait tourbillonner sa framée, prête à fendre le crâne aux plus osés et rayonnait d’un mâle orgueil. En haut, juchée à califourchon sur la Pierre, la vieille recluse poussait des clameurs d’orfraie, ayant bu elle aussi des vins brûlants, répétant ses oraisons insensées :

— Ayez pitié, Seigneur, de votre servante, et