Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/255

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froid tombait des arbres. Basine parlait avec une vivacité qui parfois l’essoufflait. Elle disait leurs aventures, leurs tribulations, les conseils du vertueux Grégorius, aussi ses menaces, dont elle se moquait. Si les évêques ne se réunissaient pas à Tours pour juger leurs différends, il faudrait bien qu’ils vinssent à Poitiers… C’était un langage puéril de jeune clerc chicanant sur le texte des lois canoniques. Des mots latins, ignorés d’Harog, lui froissaient l’entendement, cliquetis de menus glaives aux irritantes pointes. Le berger n’écoutait guère. Il cherchait à s’étourdir par d’autres pensées plus sérieuses, espérant peu à peu reconquérir son assurance. Ragna aurait-il fait bonne chasse de son côté ? Faudrait-il revenir aux cavernes malgré la fatigue des femmes ? Et toujours s’accentuait son intime douleur. Non, elle n’aimait ni lui ni sa religion, elle n’aimait rien que la pompe de devenir abbesse… en supposant que Chrodielde le lui permît ! Un berger possédant des gens d’armes et des chevaux n’est pas pour cela fils de prince ! Et une larme amère coula de ses yeux, lui glissant du sel aux lèvres.

— Tu marches trop rapidement, Harog ! se plaignit Basine, dont les trop larges sandales de bois claquaient.