Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/264

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— Je suis venue comme toi pour boire et me baigner le visage. Nous, les nonnes, nous avons la coutume de nous lever matin. Je voulais te demander une chose ? Peux-tu me prêter une tunique d’agneau pareille à la tienne ?

Elle se tenait pieds nus dans la mousse, vêtue seulement d’une mante de laine blanche, ses cheveux fauves serrés sur les tempes d’un brin de lierre. Elle était pâle, irréelle comme le fantôme d’une druidesse auréolée de la faucille d’or, et semblait plus triste que la veille, malgré la raillerie de sa lèvre. Harog la contemplait, nouvelle aurore, avec la ferveur ardente qui communique le goût du sang.

— Tu parais fatiguée, Basine. Est-ce que tu veux que nous retardions l’assaut ? Les soldats de Maccon ne nous inquiètent point et nous aurions meilleure chance…

Elle l’interrompit, d’un ton rageur :

— C’est tout de suite qu’il faut tenter la chance. Un bon guerrier doit profiter de l’ignorance de ses ennemis. Je venais te demander une tunique d’agneau parce que je n’ai pas de robe écarlate, moi. Ma cousine Chrodielde ne voudrait pas me donner la sienne et nos coffres sont vides. Vais-je forcer une ville en habit de serve ?…

Harog ne put s’empêcher de lui sourire.