Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/278

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imprudence d’avoir voulu combattre comme un mauvais garçon… La belle abbesse que tu ferais, la lance au poing ?

— Ce n’est rien, répliqua rudement Basine, laisse-moi. Harog est allé me chercher des herbes sèches dont il sait la vertu. Je ferai meilleure abbesse que celles qui oublient leur vœu de chasteté, ma cousine.

Déjà les deux femmes se mesuraient des yeux, sœurs de communion devenues rivales devant le succès de leur orgueilleuse entreprise. Alors Chrodielde dissimulant son dépit s’empressa auprès du jeune athlète Brodulphe-l’Adultère, lequel lui exhiba complaisamment sa blessure, malgré son horreur des femmes nobles.

Au soir de cette mémorable journée, un festin bien supérieur en délicatesse aux repas nocturnes de la Pierre fut servi en pleine église.

Les nonnes, suivantes des princesses, avaient repris leurs humbles coutumes du cloître, faisaient la cuisine. Les unes, dans les caves, les autres, dans les basses-cours, avaient pieusement préparé une orgie digne de toutes les foudres célestes. Les tables du réfectoire mises bout à bout se recouvrirent des nappes de l’autel et les torches de cires destinées aux cérémonies du culte illuminèrent ces agapes rien moins que chrétiennes. Une tonne posée sur le