Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/32

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— Vous êtes de loyaux serviteurs. Vous m’avez dressé des chiens dignes de vous et de ma garde. Mais je ne vous ai pas fait venir de si loin pour m’amener seulement ces chiens. Vous ne vous en retournerez pas les mains vides. J’ai à vous confier un dépôt qui me tient au cœur. Vous venez de Poitiers où il y a un saint monastère. Je veux savoir de vous si l’on y fait toujours des miracles et si les murailles en sont bien hautes. Répondez-moi franchement.

Ragnacaire était accroupi sur la poutre qui formait la première marche du trône. Il baissait le front, saisi de frayeur, car l’homme extraordinairement malpropre et brillant qui était le roi Chilpéric, maître de la Neustrie, passait pour un monstre aussi méchant que débauché. On avait tous peu dormi, cette nuit-là, au camp de Chelles, et ce ne devait pas être sans de graves raisons. Si le roi était ivre, il pouvait se livrer brusquement à des fantaisies cruelles. Toute la chambre témoignait d’une orgie récente. Des plats répandaient par terre des morceaux de viandes et dans une cuve, selon la mode romaine en honneur chez les princes Francs, les outres de vins rafraîchissaient avec des fruits. Cette cuve de bronze, ornée de métaux précieux, représentait là l’ostentation du chef, goinfre