Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/324

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mon bonheur à moi ! Jamais Basine ne t’aimera d’amour ! C’est une plante qui séchera stérile, quoique très belle, parce qu’on a brûlé ses racines. Elle n’est pas guérie du souvenir ! Son corps fut si atrocement souillé que son âme en conserve une éternelle flétrissure. Songe qu’elle n’était qu’une enfant. Elle n’aimera jamais que la gloire de rester inaccessible. Elle ferait peur si elle n’avait pas le charme de son apparence d’ange de cire ! Pourquoi la regardes-tu ? Tes yeux ne sont pas faits pour l’indifférence des siens… Ah ! tes yeux… Harog ! tes yeux ! j’ai l’idée qu’ils sont des étoiles et que tu portes le ciel tout entier sous ton front blanc ! As-tu songé, parfois, qu’on n’a pas vécu lorsqu’on meurt sans connaître les caresses de la femme !

Harog se voila le visage de ses deux mains frémissantes :

— Tais-toi ! Je connais la soumission de la femelle des loups… et je sais à présent qu’il n’en est pas de plus traîtresse ! Il nous faut descendre, Chrodielde, si nous ne voulons pas que cette esclave expire injustement.

Elle le contempla un moment pensive, se releva d’un bond joyeux.

— Je veux te plaire en tout, ce soir, sorcier mon maître. Allons vite et je te jure que si l’esclave est