Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/330

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Harog s’éloigna pour essayer de ne plus penser, de dormir à son tour, n’espérant rien, se demandant ce qu’il fallait croire et préférant oublier.

Vers l’heure du démon, une femme se pencha sur Harog qui dormait dans une flaque de lune, au seuil de la fille de Chilpéric, entre sa chienne et son couteau.

C’était Chrodielde. Enveloppée d’une pièce de laine sombre, seule sa ronde épaule passant nue semblait cet astre blanc dardant toute sa perverse pâleur sur le berger. La chienne eut un mouvement d’inquiétude qui réveilla son maître. Celui-ci, croyant peut-être rêver encore, s’étira longuement sur sa peau de mouton.

— Harog, dit-elle très bas dans un souffle voluptueux, j’ai besoin de toi… parce que j’ai peur de Ragnacaire. Il n’est pas rentré ce soir. L’as-tu rencontré ? Ta-t-il parlé de moi ? Je redoute sa jalousie.

Effarée, elle se serrait contre lui, noyant sa bouche de ses cheveux parfumés.

— Je t’en supplie, Harog, toi qui protèges celle qu’aucun homme ne veut tuer… viens, ne serait-ce qu’un moment, chez moi, le temps de nous assurer qu’il ne s’y cache point avec une arme.

Harog la regardait gravement :

— Je n’ai pas vu Ragna, mais je sais où il est.