Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/341

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tout, de réduire une sédition par la force armée.

On en demeurait là.

… Et ils étaient venus tous les deux, dans la nuit de printemps, en marche l’un vers l’autre comme des bêtes folles pour faire, au moins, parmi tous ces crimes, ces discussions, ces brutalités, ces hypocrisies, une trêve d’une heure où il y eut de l’amour !… Cependant Harog songeait anxieux, se demandant pourquoi elle tenait tant à l’éloigner du conseil de guerre cette nuit, puisqu’elle prétendait qu’il fallait prendre enfin une grande décision ? Était-ce donc à lui qu’elle demanderait le dernier mot ? Ou, tout bien calculé, avait-elle pensé que l’unique moyen d’éloigner les deux rivaux était de confier les opérations militaires à l’un durant que l’autre se livrerait aux joies infernales qui font perdre la raison ? Il songeait aussi, tristement, que le lieu du rendez-vous se trouvait dans cette grotte où lui et Ragna avaient vu s’écouler le meilleur temps de leur commune existence… du temps qu’ils étaient pauvres gardeurs de troupeaux, ne chassant que pour rassasier leur faim ou vendre des fourrures, non pour le plaisir mauvais de répandre le sang. Ils restaient des enfants, jeunes garçons soucieux seulement de leur bonne réputation de pâtres-sorciers que les bergers de la contrée interrogeaient sur les herbes,