Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/359

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fille. Et pourquoi es-tu si triste, ce matin de victoire ? Nous tenons l’abbesse vivante, le butin paraît énorme. Que peux-tu désirer de plus, toi, le chef ?

Basine, attendant les résultats de l’entreprise à la basilique durant que Chrodielde était rentrée par le souterrain de la maison romaine, ignorait les détails de l’enlèvement de Leubovère. Elle avait suivi la foule enthousiaste des esclaves criant qu’on était victorieux et elle se trouvait là pour constater que tout finissait selon les vœux de leur orgueil.

Il y eut un moment de pénible silence, pendant lequel on entendit très distinctement le bourdonnement des abeilles autour des églantiers.

— Je désire pleurer en paix l’ami que j’ai perdu par ma faute, Basine. Selon que ton cœur parlera, maintenant, à ta conscience, j’agirai. Ou je te fuirai pour aller ensevelir ma peine au fond des cavernes de la forêt… ou je resterai avec toi pour te défendre contre la cruauté des gens de Chrodielde, mais n’espère plus rien de moi en faveur de vos détestables projets. (La voix d’Harog se fit plus sourde.) Basine, Ragna, le compagnon de toute ma vie, celui que je regardais comme mon frère, est mort cette nuit, tombé sous mes coups ! Son pauvre corps est là-haut, dans le verger du monas-