Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/36

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Ragna… Ragnacaire, partez sans tarder, en emportant d’ici la rebelle, cette fille d’enfer qui s’est laissé aller cette nuit même aux bras de mes soldats comme la plus impudique de mes esclaves. Je vous le dis et ne mens point.

Harog ne regardait plus le roi, mais la hache à deux tranchants qui étincelait derrière son lit.

Ragnacaire ne comprenait pas ce qui se tramait. Rempli d’une superstitieuse terreur, prosterné, son grand corps très robuste réduit à la taille d’un enfant, il invoquait tous les saints qu’il connaissait depuis peu et quelques anciens dieux gaulois à la barbe aussi ample que la moustache du prince fourbe placé devant lui.

— Vous m’avez entendu, mes braves compagnons ? ajouta Chilpéric.

— Tu seras obéi, répondit Harog, sortant de son rêve, le regard toujours à la hauteur des yeux du chef. Nous conduirons ta fille au couvent, sans nous souvenir de son péché. Nous la traiterons selon son rang et les bœufs iront d’un pas égal… Nous ne lèverons pas les paupières sur elle, je le jure.

Chilpéric se recoucha, en éclatant d’un gros rire épais comme la liqueur qu’il avait bue dès l’aurore.

— Alors vous ferez bien de vous les coudre avec des épines longues, mes garçons, car ma fille est