Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/37

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belle et sait le montrer au plus bas de mes serviteurs. Allez ! Allez ! je vous souhaite une bonne route sans ornière, sans caillou, un chemin pour pied de biche ! Allez donc et bon voyage !…

D’un geste gai, il les congédia, pressé de se remettre à boire, peut-être pour oublier l’horreur de ce cauchemar, peut-être parce qu’il avait soif, simplement.

Ragnacaire heurta la cuve en sortant, et cela fit un bruit lugubre qui acheva de l’épouvanter. Harog marcha très droit vers la porte de cuir qu’on soulevait pour eux du bout des piques. Le jeune berger serrait la lame de son couteau secret contre lui. Il aurait dû parler, crier tout ce qu’il savait, dire la vérité dont le père de Basine n’avait probablement deviné que la moitié, mais en contemplant la hache, à deux tranchants, derrière le lit, lui, le petit berger songeur, s’était aperçu d’une autre chose plus voilée encore.

Il venait de revoir la main, cette main blanche et puissante de la nuit, agitant une étoffe rouge, un lambeau de pourpre coulant sur les armes du roi comme un ruisseau de sang. On écoutait. Des espions ou une esclave aux aguets… La main d’une esclave, cette main si blanche, de doigt si aigus, recourbés en ongles de félins ?