Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mauvais présage. Il sortit, l’air soupçonneux, une bottelée de paille dans les bras.

Cette matinée de printemps brillait en sourire derrière des larmes. Les grandes pluies avaient nettoyé les chemins de leurs boues fétides. Les arbres, tout scintillants, se secouaient, prenaient des aspects de gros oiseaux offrant les ailes à la brise qui leur sèche les plumes, et les fonds noirs de la forêt s’éclairaient de transparences rassurantes. Le ciel parfaitement bleu ne conservait que quelques nuages légers, houppes de laine nouvellement cardée, brins de toison tombés des doigts des servantes distraites plus occupées de l’amoureux qui viendra les trouver dans le foin de la grange que du lit douillet qu’elles préparent à leur vieux maître. Et les coqs chantaient bataille, et les poulettes gloussaient le premier œuf, et les chevaux, les agnelles bondissaient autour du camp, amusant les lourds guerriers en train de cuver le vin de l’orgie le long des hautes herbes emperlées par les averses. Un paon cria sur le toit de la maison du chef, la roue de sa queue dardant les cent prunelles de saphir par où le ciel semblait regarder la terre.

Ragnacaire découvrit le chariot de l’autre côté du fossé séparant le camp des chenils et des abattoirs, sous un arbre au ventre fendu qui servait de