Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/43

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pour gagner la route. Là, sortant du camp, derrière les chevaux rangés, on rencontrerait des hommes et il y aurait encore des outrages à subir… Ragnacaire se sentait honteux de son métier nouveau de pasteur de fille.

Harog le rejoignit, tenant le petit chien qui était une femelle précieuse, dans sa poitrine contre le couteau secret. Il portait aussi un sac où s’agitaient, avec des pains ronds et des tranches de lard, des morceaux de métal. Il ne leva pas les yeux sur le chariot.

Les deux compagnons se mirent en marche lentement, dirigeant les bêtes par les cornes. Derrière les chevaux, ils ne rencontrèrent pas d’hommes d’armes. Aucun soldat ne se montra sur le chemin conduisant du camp à la rivière. On aurait dit que l’armée tout entière s’était évanouie avec les brumes de la nuit mauvaise.

Harog et Ragnacaire, imitant les bœufs patients, baissaient le front sous le joug de leur triste mission, tout couverts d’une réprobation surnaturelle.

Au bord de l’eau ils s’arrêtèrent afin de chercher le gué.

— Que t’a-t’on donné, Harog ? demanda timidement Ragnacaire, sans oser élever la voix.

— Vingt pièces d’argent que nous devons par-