Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/50

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— Vingt ans bientôt, répliqua plus doucement Harog, les yeux toujours fixés au sol.

Ragnacaire, lui, mangeait debout, dissimulant du lard dans sa main et, l’air attentif, il essayait de comprendre les paroles passionnées d’Harog. Il se serait donné volontiers à tous les démons tant la fille rousse l’intimidait.

— Et qui es-tu ? Un berger, un chasseur ? continua Basine.

— Je suis ton serviteur fidèle… mais j’ai ordre de te mener au monastère de Sainte-Croix pour y prendre le voile.

— Moi… au monastère, s’exclama-t-elle, crispant ses doigts autour du chien qui s’endormait dans son giron ?

Elle regarda anxieusement Ragnacaire et Harog, ses prunelles vertes et bleues allant de l’un à l’autre avec un étonnement naïf. Elle ne savait donc pas où on la menait ? Ni le père ni la marâtre n’avaient daigné lui apprendre sa condamnation.

— Prisonnière ! pensa-t-elle tout haut. (Elle ajouta) : Je n’ai pas vingt ans, moi !

Harog reprit, les dents serrées :

— Je ferai ce que tu ordonneras, Basine, fille de Chilpéric. Je n’appartiens plus à ton père. J’ai passé l’eau ! Je ne suis ni un soldat ni un esclave. Il y a