Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/51

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des hommes dans les forêts qui vivent librement et s’ils mangent peu ils sont très forts. Tu commanderas toi-même ta destinée. Réfléchis et pèse bien mes paroles. Il nous faut plus d’une lune pour arriver au couvent de la Sainte-Croix. Tu as le temps de voir venir le cilice !…

Basine posa son menton sur ses mains jointes, ses mains longues et pâles dont les ongles étaient encore teints de sang.

— Prisonnière ! répéta-t-elle d’une voix lassée, maintenant indifférente à son sort.

Elle ne savait probablement pas pleurer, car elle demeura presque souriante devant ces deux rudes garçons tout frissonnants de pitié.

L’orage qui avait passé sur elle avait sans doute obscurci sa raison.

Leur pauvre repas terminé, Harog et Ragna réattelèrent le chariot. Ils traversèrent des champs cultivés, un village, d’épaisses broussailles, et campèrent le soir dans un vallon, près d’un ruisseau. Les bœufs se couchèrent à même la terre molle. Ragna s’étendit entre eux pour avoir chaud. Harog n’osa pas se coucher. Les étoiles, dès qu’il était sur le dos, lui piquaient douloureusement les yeux. Il apercevait les rayons bleus et verts à tous les coins du ciel, et une fièvre montait en lui comme un tor-