Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/57

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Basine se mit alors à chanter une chanson des camps où il y avait des mots latins qu’une femme ne pouvait pas savoir.

Harog, d’un geste révolté, lui saisit le bras. — L’esprit des ténèbres t’écoute, Basine !

Elle se dégagea prompte et hautaine, subitement redevenue princesse de Neustrie.

— À tes chiens, berger, ordonna-t-elle, la voix claire, à tes chiens ! Nul ne doit toucher aux filles de ma maison pour les caresser s’il n’est fils de roi. On peut prendre Basine par violence, c’est la guerre. Nul ne l’aura de sa bonne volonté.

Harog glissé à genoux murmura dévotement :

— Qu’il plaise à Dieu… Je suis plus lié par la soie de tes cheveux qu’un voleur par le chanvre de la corde. Je t’obéirai toujours, Basine. Une fille de chef est plus à sa place au couvent que dans la caverne d’un pauvre ours… Nous irons donc à Poitiers, mais nous y ferons vœu de mener les louves en guerre quelque nuit de printemps semblable à celle-ci. Souviens-toi.

Quand Harog s’enhardit à lever la tête vers ses yeux verts, il les aperçut bien clos : la fille de Chilpéric, se berçant de ci de là, s’était enfin endormie dans l’horreur de sa chanson latine.