Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/62

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dant, conduit jusque-là par une idée fixe, le loup s’arrêtait, réfléchissait, mesurait les distances et rusait parce qu’il y avait en lui du chef de bande. S’il était tout seul devant une grande cité, il connaissait les hommes pour en avoir tâté de la dent. Il savait que l’audace les intimide et que si les bêtes se montrent intelligentes elles peuvent tout risquer, car les bêtes deviennent alors des envoyés surnaturels, sont plus que les hommes.

D’ailleurs, ce loup ne devait rien comprendre lui-même au vrai courage puisque, une trompe ayant brusquement déchiré l’air au-dessus de lui, son corps, de nouveau, rentra tous ses membres frissonnants, demeura en boule grise, se collant au roc, les yeux subitement éteints.

D’où venait cette voix stridente qui frappait aux entrailles comme un marteau ? Effaré, il risqua un œil, darda sa lueur rouge vers le ciel. Cela tombait de très haut, d’une grande falaise blanche dominant la plaine et le vaisseau de Poitiers immobile sur ses ancres d’hivernage. Un mur à pic. L’animal prenait cela pour une colline, des rochers surplombant ; mais c’était une église. Pas une église, une forteresse, la terrasse d’un ancien château romain que dominait encore plus haut la sainte Croix.

Le monastère de sainte Radegunde.