Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/65

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humains ayant pour coutume de tuer les bêtes aussitôt qu’ils cessent de s’entretuer.

La poterne de la tour du guetteur s’ouvrit et un gros homme passa la tête. Il était encore tout ensommeillé, les joues molles, les paupières gonflées, la lippe pendante. Dans sa jupe courte de cuir et son bonnet de peau, il avait la mine d’un autre animal, mais moins propre que le loup gris qui le guettait de son côté au fond du fossé, blotti dans une touffe de ronciers étincelants de givre.

L’homme toussa, grommela un salut latin, fit un large signe de croix, puis s’accroupit au seuil pour un besoin pressant.

Le loup, ramassé, regardait droit en dessus du bonnet de l’homme. Entre ce bonnet et la clé de la petite voûte il y avait passage, au moins pour un animal très agile.

D’une détente formidable de ses reins, le loup se lança en catapulte. Il tomba des deux pattes sur le bonnet, aplatit l’homme, dédaignant de l’étrangler et, flairant mieux à l’intérieur de cette ville remplie de gibier de tous les poils, il s’élança, souple et silencieux, dans les ruelles des remparts. Là se trouvaient des soldats, des enfants, une femme. Les soldats se saisirent de leurs armes, les enfants s’effondrèrent les uns sur les autres et