Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/70

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débucha de son coin, il fit à tous l’effet d’un animal géant. Traînant après lui des lambeaux d’écarlate, redevenu noir sur la neigé encore immaculée de ce matin de Noël, il sembla une funeste apparition de la vengeance divine.

Or, chacun savait que la vengeance divine par ces temps troublés de guerres impies, de royaux adultères et de meurtres quotidiens, ne se manifestait jamais sans motif. Ce n’était que l’embarras du choix.

Les vieillards tapis au fond des caves se racontaient que l’on avait vu des lueurs inquiétantes la veille au soir et que des étoiles ornées de queues gigantesques voyageaient dans le ciel[1].

Un sorcier demeurant dans le bois voisin n’avait-il pas prédit que les bestiaux mourraient de la peste fluente, c’est-à-dire prendraient des coliques à se coucher tous devant la crèche ? Ce jour de Noël ne pourrait que mal finir. Toute la ville, un amas de rochers, de huttes de bois, torchis et pierres sans ciment serrées contre la massive église et les solides dépendances du comte Maccon, tremblait d’une superstitieuse terreur tandis que les soldats, tournant tout au pillage, selon leur mau-

  1. Quelques-uns assuraient aussi avoir vu le ciel en feu. — Grégoire de Tours, Hist. eccl. des Francs, V, xli.