Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/71

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vaise coutume, profitaient du désarroi général pour s’emparer en passant devant tous les huis barricadés des pièces de viande, moutons, cochons, dindons laissés à l’aventure.

On courut la matinée entière. Tantôt le loup se montrait au sommet des remparts d’où on croyait le précipiter à force de cailloux et il sautait sur un groupe, démolissait une épaule ou une jambe d’une seule morsure. Tantôt il se faufilait entre des fagots, des tonnes, forçait une étable où l’on entendait un concert de bêlements éperdus. Tous les enfants pleuraient, et les femmes lançaient des imprécations du haut des toits, tendaient le poing aux soldats que ces injures exaspéraient plus complètement.

Le comte Maccon, vers l’heure de son repas, déclara que le loup devait être fourbu. Pour lui, il ne chevaucherait pas davantage. Cette chasse devenait inutile. Les enfants n’étaient point rares, merci Dieu, en la très populeuse ville de Poitiers ! Il balaya la place d’un grand coup de son chaperon de sanglier bordé d’une plume de coq et se retira sous sa tente pour y boire un gobelet de vin chaud. De sa lucarne donnant sur l’église il suivrait le jeu et sonnerait de la trompe, le moment échu. Autour de lui des servantes se lamentaient, déclarant que