Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/79

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gibet, cela leur indiquait l’heure du souper. Ragna préparait le feu et Harog dépeçait la viande. Ce fut là qu’un soir d’été, l’ombre de la croix se faisant plus lourde, les pauvres garçons ébahis virent apparaître d’autres ombres, des fantômes de chiens ! Un à un, épuisés, à moitié morts de faim et de soif, presque muets d’avoir trop bramé leur espoir de retour, les six chiens s’écroulèrent aux pieds d’Harog pendant que Ragna les comptait, ses gros yeux mouillés de joie.

— Ba-os ! A-os ! Ou-ros ! Néréus ! Gerbaud ! Gombaud !… Méréra !

Non. Méréra s’était noyée, mais de la caverne surgit un mince fantôme blanc, svelte et fin, une autre chienne issue des flancs de la première Méréra, cette même petite bête qu’une fille de roi avait daigné nourrir.

Elle geignait.

Ils grondèrent.

Harog se précipita entre sa nouvelle favorite et ses anciens courtisans.

— Arrière vous tous, sale engeance, pourriture de grand chemin, vermine de la paille ! Si l’un de vous la mord, je l’écrase !

Ragnacaire stupéfait étendit son manteau sur la chienne-enfant.