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blée. Le partage diminue les sentiments comme les choses. Et, devenue mère et amante à la fois, elle pria, elle qui ne savait pas prier, pour que le calice s’éloignât de lui.

Quand la noce sortit de l’église, Nono se mit en évidence ; il voulait absolument se faire voir. Lilie le salua cérémonieusement à travers ses voiles. Alors, pour lui témoigner son calme, Nono offrit l’eau bénite à son époux. Le pharmacien accepta. Le couple disparut dans un gai rayon de soleil, puis, un à un, tous les invités, et Bruno saluait toujours, se disant que c’était bien dommage qu’elle eût enlaidi pour ce jour solennel.

Le battement des portes feutrées emplit la nef d’un bruit sourd qui s’éteignit tranquillement avec le rayon de soleil. Tout demeura sombre. Renée, plus sombre que ce crépuscule tombant des grandes murailles, où quelques saintes la regardaient, pensives, Renée s’approcha, les paupières baissées, chaste, humble comme Lilie. Elle était aussi une épousée, mais une épousée mystique, et elle avait juré à Dieu de racheter par la pureté de son amour les cruautés de sa vie.

Bruno lui offrit de l’eau, tout frémissant de plaisir, car il avait des gants, des gants de peau claire à peu près semblables aux siens, qu’il avait mis péniblement dès leur arrivée en ville et qu’il s’était bien gardé d’ôter. Renée Fayor secoua la tête, puis elle chancela, ses genoux se dérobèrent sous elle. Ce fut son front qui heurta la main du jeune homme. Une