Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
nono

gouttelette brillante scintilla une seconde entre le petit pli creusé par ses sourcils bruns. Bruno releva la jeune fille d’un mouvement fou, et ce corps charmant, régénéré par ce baptême involontaire, s’abandonna tout entier dans ses bras robustes. Il l’y pressa longtemps, les lèvres collées à cette place humide, murmurant des mots appris il n’aurait pu dire comment.

— Tiens, c’est notre union à nous qui se célèbre après la leur, fit-il, la gorge crispée… Je ne t’épouserai jamais, moi, pauvre petit paysan… je ne suis ni riche ni noble, mais tu seras tellement aimée que tu me pardonneras mon obscurité. »

C’était Bruno qui disait cela, les yeux pleins d’une flamme farouche… Elle laissa sa tête sur la solide épaule de son amant.

— J’ai un secret atroce, Bruno ! quand tu me verras dure et hautaine, ne m’interroge pas.

— Je te le promets, fit simplement Bruno, et il ajouta, anxieux, les lèvres de plus en plus brûlantes :

— As-tu déjà aimé, toi ?

— Non ! tu es, tu seras mon seul amour ; je ne sais pas faire les serments que Lilie te faisait, mon grand enfant, mais je te dis vrai, je n’ai aimé, je n’aime que toi. »

Bruno était trop bon et trop candide pour poser une autre question, et cette femme avait trop de puissance sur son cœur pour qu’il y pensât.

— Alors, dit-il d’un accent navré, tu es le meilleur des deux, et il faudra me faire souffrir beaucoup, afin de rétablir la différence. Je te donne tout, moi,