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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/107

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Je regarde au fond de mon verre où l’on vient de verser un vin fameux, le redoutable et si rare vin des Arçures qui ne voyage pas (comment est-il ici ?), un liquide épais, noir, bitumeux, semblant recéler un brûlant exotisme, alors qu’il fut récolté tout simplement sur les coteaux du Jura.

— La pudeur ? Un joli mot. Il habille bien, mais c’est le demi-deuil du plaisir. Avant, il gêne. Après, il tue. Ah ! Si on pouvait faire passer la pudeur d’un seul coup à tout l’éternel féminin !

— Il en faudrait peut-être plusieurs, me répond la princesse Servadinni en assujettissant son fameux diadème d’une tape cavalière.

— Certainement, débarrassons les femmes de la pudeur, affirme le député Chancère. Dans mon traité du Communisme intégral, j’ai déjà donné quelques aperçus… tous pouvant prétendre à toutes et toutes pouvant s’adresser à tous. Bien entendu, j’abolis l’union libre parce que ce n’est qu’une pâle copie du mariage. À mes yeux, se coller n’est pas plus sain que se marier. Mon rêve, et celui de l’humanité, a été, de tous temps, l’accouplement passager. Je n’y mets qu’une seule condition : le consentement mutuel…

— …ou le pari ! interrompt Boreuil.